JEUDI, C'EST CDI ! Numéro 3 : POISON CITY ou censure et manga

Par FABRICE LIEVIN, publié le jeudi 9 octobre 2025 15:09 - Mis à jour le lundi 13 octobre 2025 08:30
Le manga Poison City dispo au CDI
Liberté d'expression, censure et autocensure dans ce diptyque du mangaka Tetsuya Tsutsui

La semaine dernière, à travers la figure incontournable d'Osamu Tezuka, nous avons évoqué combien la publication de mangas au Japon couvre pratiquement tous les sujets, des plus banaux (il en existe même sur la création d'ouvrages encyclopédiques !) aux plus sensibles et s'adresse à toutes les catégories de lecteurs tant en âges qu'en appétence (=goût pour) et compétence socio-culturelle. Il n'est donc pas étonnant que le manga s'interroge sur lui-même. C'est ce que nous propose Tetsuya Tsutsui dans Poison City qui raconte les difficultés d'un mangaka débutant en butte à la censure à la veille des Jeux Olympiques d'été de 2021 au Japon. Tsutsui a lui-même subi les foudres (=la colère répressive) de la censure, son manga Manhole ayant été déclaré "œuvre nocive pour les mineurs" en 2009. 

Auteur et dessinateur (comme Tetsuya) le personnage principal de Poison City cherche à s'imposer avec un projet de série apocalyptique, violente, voire horrifique. Très rapidement, il va se heurter à des embuches grandissantes de la part de la censure qui vont l'amener à modifier son manga et à s'autocensurer, à  tel point qu'il se demande s'il va rester quoi que ce soit de sa création et de son inspiration originales, voire si l’œuvre ne va pas lui échapper totalement en le reléguant au rôle de simple exécutant. La réflexion est poussée jusqu'à convoquer la figure bien réelle, historique et sociologique, de l'Américain Fredric Wertham qui en 1954 avec son ouvrage Seduction of the Innocent, The Influence of comic books on today's youth et une campagne médiatique tonitruante, va opérer une mise au pas idéologique des comics aux États-Unis qui y perdront une partie de leur âme et de leur vivacité créative. Cette ambiance d'étouffement de la liberté d'expression que décrit Tsutsui, n'est pas sans rappeler celle qui sévit aujourd'hui outre-Atlantique, d'où l'intérêt de lire ce manga qui propose de réfléchir en profondeur sur des implications très brûlantes et on ne peut plus d'actualité.

Poison City, donc, en deux tomes, est empruntable au CDI.

 

Catégories
  • Manga
  • Seinen